Transformation AGILE, une stratégie de terrain
Construire une stratégie liée au business et tenant compte du terrain
La plupart des entreprises dont les métiers emploient des informaticiens ont entendu parler des approches agiles. Le concept est très séduisant puisqu’il se propose de réduire les délais de livraison, apportant un avantage concurrentiel certain dans un monde où un produit peut être déclassé en quelques mois!
Sur le papier tout paraît simple, les concepts employés paraissent des évidences et les organisations sont impliquées, décloisonnées et plus efficientes!
Si on suit une démarche habituelle, Il ne reste donc plus qu’à consulter une entreprise spécialisée dans le domaine, réaliser un plan et le faire exécuter à l’aide de consultants intervenants dans tout ou partie de l’entreprise.
On devient agile plus qu’on ne fait de l’agilité
Mais c’est oublier que lorsqu’un parle d’agilité, on parle avant tout de posture et d’approche plus que de méthode, alors peut-on transformer les états d’esprit à l’aide d’un plan même bien orchestré?
La plupart de ces plans très bien intentionnés apportent certes leurs lots de petites victoires, de prises de consciences, mais aussi beaucoup de malaises et de situations absurdes sur le terrain. Une incompréhension naît entre le top management et les personnes de terrain, avec parfois un rejet de la part des personnes qui en sont justement les bénéficiaires!
OK, mais que faire alors?
Se transformer dans l’action en partant des difficultés business actuelles
La transformation des personnes ne peut se faire que dans l’action, il faut donc en premier lieu cesser de faire de la transformation pour la transformation. Aller vers une approche Agile ne peut s’envisager sans un apport réel et concret pour les enjeux de l’organisation. La formulation est donc “nous allons résoudre ce problème crucial de notre entreprise en adoptant une approche agile “plus que “nous allons nous transformer à l’aide de l’agilité”. Passer à une approche agile doit donc se faire à travers une opportunité business clairement identifiée, ce qui permettra aussi de mesurer son succès au regard d’indicateurs de valeur (on ne peut mesurer le succès d’une transformation qu’aux effets qu’elle a sur le business, et non au nombre de formations déployées!).
Tenir compte du terrain
Le second travers des transformations est de penser que la mise en place d’une gouvernance et la réorganisation des équipes est la solution à tous les problèmes. L’idée apportée par l’agilité est de passer d’une organisation alignée avec les compétences des personnes (Développeurs, concepteurs, testeurs…) à une organisation centrée sur les processus de l’entreprise (processus achat, processus production…) regroupant toutes les compétences nécessaires pour produire de la valeur. Penser qu’on peut y parvenir en produisant une nouvelle gouvernance relève de la pensée magique! En dehors d’une organisation qui se construit de rien(startup par exemple), une organisation est souvent issue d’une histoire où se mêlent relations et compétences en lien avec un environnement et des outils pour produire. Par exemple, démembrer une équipe technique qui se connaît depuis de nombreuses années et fonctionne bien au nom de l’agilité serait une erreur. Il faut donc disposer d’une bonne compréhension du terrain pour faire la part des choses entre les équipes qu’on devrait reconstituer celles qu’il faut laisser en place.
Dès lors qu’il est question de mettre en œuvre une politique sur le terrain, ce sont les détails qui peuvent faire la différence entre un succès et un échec
Esther Duflo, prix Nobel d’économie, Discours inaugural au collège de France
Le volontariat dans les nouvelles organisations est essentiel et la solution la plus simple est de réunir tout le monde et laisser les gens se positionner là où ils le souhaitent! Étonnant non? Cela heurte certainement les idées qu’on se fait du management (dans un paradigme ou il vaut mieux décider à la place des autres), mais cela sera finalement le meilleur moyen d’emporter l’adhésion des personnes et croyez moi, les gens de terrain savent très bien de quoi ils ont besoin!
A réfléchir….
En tous cas, il faut à chaque fois se poser les bonnes questions avant de réorganiser les équipes :
- Comment fonctionnent-elles? (relations internes)
- Avec qui sont-elles en relation? (relations externes)
- Quelles sont leurs compétences? (apports en compétences, apprentissage)
- Quelle est leur raison d’être et leur histoire?
Ces questions permettront d’éclairer le contexte, de créer des prises de conscience afin d’aider les équipes à faire les meilleurs choix et se sentir impliquées!
Se mettre dans une dynamique de changement régulier en étant présent sur le terrain
L’agilité est aussi une dynamique d’adaptation permanente aux changements de situation, il est certes utile de faire un plan d’avancement au départ avec une intention. Cependant ce plan devra être adapté parce que malgré les travaux préliminaires nous n’avons qu’une vision partielle de la situation. Ce qui est avant tout important est de mettre en place une dynamique d’adaptation régulière. Ceci nécessite en particulier de se mettre à l’écoute du terrain et de ses difficultés pour effectuer les adaptations et prendre les bonnes décisions au moment où le problème se présente, plus que d’essayer de les anticiper.
Donner l’exemple en adoptant l’approche agile au plus haut niveau
L’idée est donc de déployer l’agilité dans une approche de dynamique récursive: “j’adopte une approche elle-même agile pour transformer mon organisation en une organisation agile”. Le rôle des dirigeants est à ce titre essentiel car comment prôner un changement important de l’approche sans vivre et s’appliquer ce changement à soi même? Le management doit avoir un rôle modélisant pour l’ensemble des équipiers dont la cohérence de la démarche permettra de facilement se mettre au diapason. Une première étape peut aussi tout simplement être de passer une équipe de direction en agile, et d’en voir les effets ensuite par rebond dans les autres équipes
Pour un déploiement de l’agilité expérientiel, unique et humaine
Je partage ce point de vue car j’ai trop souvent vu des transformations agiles pilotées depuis des comités exécutifs décorrélés de la réalité, de ce qui se passe sur le terrain au profit du suivi d’indicateurs plus ou moins utiles. Je milite comme Esther Duflo dans son domaine de l’économie pour :
La pratiquer comme une science véritablement humaine : humaniste, pétrie d’erreurs, une science de l’homme. Mettre l’expérimentation au cœur de la démarche n’est pas anodin : seule l’expérimentation nous force à confronter nos hypothèses à la réalité de terrain…
Esther Duflo, prix Nobel d’économie, Discours inaugural au collège de France
Au moment où les recrutements sont devenus si difficiles, les situations si complexes, la concurrence si féroce, il est temps de revenir à une transformation et des modes de fonctionnement remettant l’homme au centre du dispositif et s’appuyant sur la confiance, l’implication et la créativité!